Ce qui me transforme en tango?

Il y a longtemps, alors que je ne travaillais toujours pas professionnellement avec le tango, j’avais envie de répondre à une question: « Pourquoi ma sensation a-t-elle autant changé d’une milonga à une autre? » C’était la même milonga, avec le même DJ, j’ai dansé avec les mêmes filles, j’allais bien, mais un jour c’était merveilleux, et l’autre jour j’avais le sentiment de n’avoir fait que bouger. Mouvement coordonné avec la femme et cohérent avec la musique, mais seulement mouvement et ça … ça ne m’intéresse pas! Je me suis retrouvé sans ce sentiment d’épanouissement que j’avais pu ressentir à d’autres moments.

Mon explication jusqu’alors était que le tango était un acte humain et dépendait donc de facteurs internes que peu de gens pouvaient contrôler. En profiter au maximum ou non, c’était une question de « chance ». Bon, je n’ai pas non plus médité des heures dessus! … Ce n’était pas grave.

Je me souviens qu’une fois, avec un groupe d’amis, nous sommes allés danser deux jours de suite. Le premier jour a été merveilleux, une soirée de rêve et le lendemain, j’ai  ressenti comme un très grand vide, c’était une véritable catastrophe! Le lendemain et pendant plusieurs jours, j’ai commencé à réfléchir et à passer en revue les détails des deux soirées, puis je suis allé plus loin et j’ai commencé à penser: qu’est-ce que je faisais et avec qui je dansais dans toutes les milongas où je me rendait?

Dans les milongas suivantes auxquelles je suis allé, j’ai essayé de faire un récit mental de ce qui se passait pendant la milonga, sans laisser de côté la recherche du plaisir lorsque je dansais. Je suis ensuite arrivé à la conclusion que pour me sentir bien dans la milonga et pouvoir en profiter « je dois me transformer en tango ». C’était la phrase que j’avais utilisée à cette époque. Qu’est-ce que cela signifie: je dois permettre à mon corps, à la relation avec ma partenaire et à la musique d’entrer lentement en moi « Être tanguero »

Je me suis rendu compte que, à peine arrivé à la milonga, lorsque je dansais avec beaucoup de mouvement et beaucoup de contre-temps et changements de vitesse, j’entrais dans une boucle énergétique qui, bien qu’amusante, était complètement superficielle, vide, vide, vide. Je le répète plusieurs fois parce qu’en même temps que j’écris, j’essaie de me souvenir de situations où je ressentais ce vide et je le ressens encore et je ne l’aime pas, parce que « ce n’est pas pareil de concorder avec quelqu’un que de se connecter avec quelqu’un » (ce n’est pas une de mes phrases). Pour danser de manière coordonnée et musicale, il suffit de concorder. À moi, ça ne me suffit pas! Je ne veux pas me sentir vide, je veux et j’ai besoin de me connecter.

Alors, pour pouvoir me transformer en tango, pendant les premières tandas, je ne faisais que marcher, lentement et calmement, me permettant de me sentir bien, à l’aise, de sentir le confort de ma danseuse, de me connecter à elle et, à partir de là chercher la musique simplement, et du coup je pouvais sentir cette sensation que je recherchais tout le temps. Ainsi, pendant la nuit et alors que la milonga grandissait et se développait, je grandissais aussi, je devenais plus global et le mouvement commençait à naître accompagné de cette base de confort mutuel et de connexion profonde.

C’est une anecdote que je raconte parfois en cours. J’ai beaucoup appris du tango en parlant de tango. Je pense que ça peut être utile de reconnaître quels sont les facteurs qui peuvent favoriser les bonnes sensations pendant la milonga. Je suppose qu’il y a plusieurs façons de se transformer en tango. Une amie m’a raconté qu’elle commençait sa transformation à la maison, sous la douche, en réfléchissant aux vêtements qu’elle porterait, puis en s’habillant et en apportant les touches finales. C’est pour ça qu’elle n’avait pas besoin d’arriver tôt à la milonga, car à son arrivée, elle était déjà tango. Par contre, j’aime bien arriver tôt à la milonga, très tôt car il me faut du temps … j’arrive toujours à 22h!

Avec du recul, je ne me suis jamais transformé. J’ai toujours été. En fait, j’ai toujours été tango mais de manière différente. Quand j’arrive à la milonga, je suis un tango calme, très calme, après je suis tango, mais je ne sais pas lequel. C’est la surprise de la soirée.

Cette manière de rentrer progressivement dans la milonga, je la pratique depuis des années et ça m’a donné de très bons résultats. Ça ne me garantit pas de trouver ce que je cherche, mais les chances de succès sont élevées.

Puis, quand je suis devenu danseur de tango professionnel, j’ai commencé à faire des démos. Et là, il n’y a pas de temps pour ce processus de transformation. Je dois être immédiatement à 100%. C’est peut-être un sujet pour un autre post parce que ce qui m’intéresse le plus, c’est le tango social.

Alexis

 

 celineyalexistango.com

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